Scarred, à la conquête du monde, et de tout ce qu'il y a dedans

J'ai jamais été très fort en escape game. Bon, plus qu'à rédiger mon testament en vitesse.

Scarred est un groupe de death metal kaléidoscopique fondé en 2003 au Luxembourg. Scarred est son troisième album, après New Filth Order en 2009 et Gaia/Medea en 2012.

Scarred, album éponyme sorti en janvier 2021 (Klonosphere/Season of Mist)

La première rencontre avec Scarred est franchement engageante : après un bref accueil plutôt onirique, "Mirage" nous propulse dans un autre monde, fait de chapes de plomb sonores, de cavalcades rythmiques et de hurlements nous projetant l'ombre des Gojira, Hacride, des récents Overclash ou encore des puissantes hordes propageant leur death metal moderne ici et là, pour nous aider à nous situer. Dans le même temps, on acquiert presque immédiatement la sensation (grâce à l'intro éthérée, peut-être) que le contenu de ce premier album éponyme ne sera pas que plombé, mais qu'il se plaira à nous balader au sein d'une multitude de contrées. "A.D...Something" ne nous laisse pas mariner et nous confirme ce que les accalmies de "Mirage" et le ton ambiant nous avaient fait miroiter : nous allons voir défiler une grande quantité de sommités et entendre une myriade de sonorités au cours de notre trip, plus de doute. C'est Satyricon qui nous vient ainsi à l'esprit sur ce second chapitre, avec un riff à la fois rock, entêtant, hypnotique et surpuissant, que n'auraient pas renié les géniaux "K.I.N.G." ou "Now, Diabolical". Une tendance se dessine : Scarred aime nous séduire avant de nous massacrer, quand il ne fait pas l'inverse ("Chupacabra", au groove qui évoque forcément une joyeuse troupe des Landes). Un concept certes sadique mais qui fait ses preuves, surtout pour les métalleux/ses en manque de sensations fortes et qui, pour ne rien arranger, sont privé.e.s de parc d'attractions depuis si longtemps. La suite, vous la connaissez. Enfin non, pas vraiment, mais vous pouvez aisément tenter de deviner. Bravo. Exactement. De nouvelles têtes, d'autres écoles, des mixtures qui se dévoilent sous vos yeux. Les croisements parfois peu évidents sur le papier s'enchaînent et annihilent nos velléités de résistance. Ce n'est par exemple pas à Alanis Morrissette que vous êtes confronté sur "Merry-go-round" mais à son cousin hybride mutant Alamuse Gojiresque, qui fait brillamment le taf malgré ses aspects atypiques (peut-être grâce à eux aussi, d'ailleurs). Les prouesses vocales de Yann font monter la sauce, de même que les backing des deux guitaristes Diogo et Vincent, et histoire d'être complet et surtout juste, le travail de Laurent (batterie) et Bertrand (basse) doit être tout autant salué. La scène internationale se trouve ici un nouveau challenger de poids dans la catégorie death prog et groovy ouvert sur les autres courants musicaux. Les cinq doivent déjà être largement reconnus au sein de la maison-mère luxembourgeoise, et il semblerait que cette aura soit sans cesse grandissante. C'est tout le mal qu'on peut souhaiter à une entité qui a vraisemblablement mis toute sa passion et sa hargne dans l'élaboration de ce véritable projectile susceptible de percer toutes les défenses. Un couteau "suisse" qui développe également de superbes atmosphères touffues et enivrantes ("In Silent Darkness") pour mieux tromper l'ami et l'ennemi, avant de revêtir à nouveau sa panoplie d'agresseur ("A.H.a.l.a.") ou encore de proposer un époustouflant point d'orgue en chant clair ("Petrichor"). Rien à dire, c'est du travail d'orfèvre.

Syl Alba

La première salve de l'album démontre bien la capacité du groupe à tout arracher sur son passage

La plaque tournante de l'univers de Scarred se trouve ici.