Pølar Moon - Rituals (2019)

2019/Autoproduction

Après un temps d'arrêt forcé, cela fait vraiment plaisir de reprendre la route des chroniques avec une formation comme Pølar Moon. Albacore tourne clairement et principalement autour du metal mais ici son mot d'ordre, "Metal & Friendz", prend tout son sens. Qu'il s'agisse de genres amis ou cousins de notre style de prédilection, ou de projets parallèles d'artistes œuvrant généralement dans des sphères plus telluriques, les écarts, déviations et autres délires constituent (également) le fonds de commerce du zine dans lequel vous traînez actuellement vos guêtres. Les Poitevins réunissent ces deux aspects, Guillaume Bernard n'ayant plus forcément besoin d'être présenté comme guitariste et principal compositeur de Klone, l'une de nos gloires nationales, et la musique de Pølar Moon s'apparentant à une électro-pop forcément éloignée des joutes sans pitié qui bercent habituellement nos oreilles candides.

Entre les décors musicaux magnifiquement tissés par les (nombreux) artistes impliqués et l'irrésistible voix de Julie Trouvé, notre cœur balance. Bien heureusement, nul besoin de faire un choix. Concernant le chant, si le nom de Jesca Hoop éveille quelque chose en vous, vous saurez de quoi je parle, sinon, il vous suffira de penser à des sommités comme Lana Del Rey pour situer un peu le niveau et l'intérêt de la performance de Julie, qui nous laisse évidemment sans voix, non pas que nous ayons eu à quelque moment l'intention de pousser la chansonnette de toute façon, préférant largement suivre ses pérégrinations tout au long des cinq odes proposées dans ce Rituals. Maintenant, si je vous dis que la musique est à l'avenant et qu'elle rend parfaitement hommage aux qualités de la frontwoman de Pølar Moon, vous comprendrez à quel point ce EP se montre riche, beau et fascinant. Dès « Facing The Wall », on tombe sous le charme, on succombe, on renonce à toute forme de résistance. Les arpèges, les boucles ponctuelles, les ultra-sons évoquant le chant des baleines, la mélancolie, le cheminement, la progression du morceau, tout ça et tout le reste nous embarquent, que dis-je, nous embrigade, sur un ton lancinant et hypnotique. « Impossible d'être déçu par ce qui va suivre », cette sentence résonne comme une intime conviction au bout de quelques minutes ; il faut dire qu'on ne prend pas beaucoup de risques.

Malgré la facilité avec laquelle chaque chanson pourrait nous bluffer uniquement par sa structure de base, un très grand soin a été apporté à son élaboration et son étoffement. De la variété dans les ambiances, dans les ingrédients (claviers, trompette, steel guitare), dans les émotions transmises (cette voix qui monte haut, haut dans « Moments » nous prend littéralement par surprise), dans la façon d'utiliser les machines (qui ont un rôle plus rythmique qu'onirique sur l'ultime « Aura », qui rappelle autant Depeche Mode que le Muse expérimental de ces dernières années ou les meilleures formations de pop « moderne ») :  s'ennuyer ne sera pas chose aisée, et dédaigner cette sortie s'apparentera même à un exercice des plus ardus. Un bivouac dans le Connemara, une promenade bucolique à Reykjavik ou une bataille de boules de neige en sortant d'un bar de Stockholm, Rituals a cette faculté de vous transporter dans une scène atypique et unique qui serait le fruit de votre imagination, ou encore mieux, de vous la rappeler si vous avez eu la chance de la vivre. Bande-son nostalgique parfaite, pop trippante, trip-pop incandescente... On ne peut qu'appeler de ses vœux une réussite éclatante et concrète de cette belle aventure qui, espérons-le, ne fait que commencer. Passez-vous le mot !

Syl Alba

Que peux-tu avoir de mieux à faire que de t'engouffrer ici ?