Iron Flesh, le death en chair et en os

Depuis que j'ai croisé la musique de ces hommes de fer, je cherche encore où sont mai den

Iron Flesh est un one-man band bordelais, adorateur du death 90s estampillé "HM-2" et par conséquent à forte connotation scandinave, qui se mue en armada pour l'exercice live. Julien Helwin, initiateur de l'aventure et grand chambellan du navire, n'a pas chômé depuis 2017 : malgré la jeunesse de sa formation, Iron Flesh a sorti en 2020 son cinquième disque !

Summoning The Putrid, sorti en 2020 chez Great Dane Records

Dans la sphère metal, il est de coutume, au moment d'aborder la chronique d'un nouvel outsider, d'annoncer la couleur de façon un tantinet fracassante, à travers des coups de semonce comme "Attention, ils sont pas venus pour faire de la figuration", "Ils sont là pour vous tailler en pièces" ou encore "Si tu leur demandes de te couper les ongles, fais gaffe quand même, il y a un peu de brouillard, j'espère que t'as appris à couper ta viande avec des moignons" (bon, celle-là est peut-être un peu moins fréquente que les autres). La tradition est sympa et parfois véridique, mais l'avertissement est souvent galvaudé et susceptible de tomber à plat. Aussi, c'est toujours rassurant de constater que l'on peut toujours compter sur des formations dont le sérieux et l'ambition aident ces fragiles prophéties à se concrétiser. Si vous n'avez pas le Iron Flesh Pour Les Nuls et n'êtes pas au fait de leur succession de faits d'armes en un si court laps de temps, vous êtes peut-être au moins tombé sur "Fragments Of Expiation", l'impressionnant inédit présent sur l'incontournable compil We Are French Fuck You Vol.2 de Triumph Ov Death, et vous aurez alors déjà fait connaissance avec ce groupe à part. Iron Flesh ne se distingue pas parce qu'il veut aller plus vite que les autres, tutoyer les abysses plus étroitement que les autres ou souffler son monde grâce à son originalité, mais surtout parce qu'il est plus mature que ses camarades de jeu. Aidé par son expérience (gros CV, comme pour les zikos qu'il entraîne dans son sillage) et la possibilité de se focaliser sur son projet personnel, Julien Helwin a pu échafauder des titres qui auraient sans problème pu figurer au menu des meilleures playlists (même si on ne les appelaient pas encore comme ça à l'époque) au début des 90s, bien au chaud entre les pontes originels, Entombed, Dismember, Asphyx, Grave et j'en passe. Celles et ceux qui ont connu ces temps reculés savent néanmoins que la légende est toujours plus belle que la réalité et qu'un grand nombre de combos d'alors, qu'il s'agisse des têtes de gondole ou des seconds couteaux à qui il ne valait mieux pas tourner le dos, pouvaient très bien se fendre de sorties inégales. Or, c'est là que notre ressortissant bordelais ne suit pas les grands anciens aveuglément, pensant ces mots tellement forts qu'ils résonnent lorsqu'on écoute son second full-length : "pas de ça chez moi !" Bien malin en effet qui parvient à dénicher un moment où le bât blesse, une piste moins accrocheuse que ses collègues ou des parties bâclées ou moins inspirées. Le postulat de départ est pourtant simple : honorer la divinité HM-2 du mieux possible. C'est peut-être justement ce qui fait la force de la Chair de Fer : savoir clairement où aller, et savoir tout aussi bien comment y parvenir. Le death d'obédience suédoise est décliné sous différents tempos, incartades doom, lourdeur écrasante et guitares harmonisées marchant au pas venant à point nommé relayer les chevauchées fantastiques que proposent par exemple l'ouvreur de bal "Servants Of Oblivion", le fringant "Relinquished Flesh" ou le mémorable "Purify Through Blasphemy", qui galvaniserait un macchabée centriste. Ne cherchez pas les mélodies à outrance, vous serez déçus, tout ici est savamment distillé, conscieusement injecté, et malgré des vocaux forgés directement dans le Styx, rien ne déborde, rien ne dégouline. Vous pourriez vous passer le disque avec votre chemise en flanelle et un petit Kusmi Tea qu'elle serait encore immaculée à la fin, malgré le headbanging récurrent. À titre personnel, je pense à l'éclectisme de Hypocrisy sur l'immense The Final Chapter, au cours duquel on passe allègrement d'un genre extrême à un autre en se prenant claque sur claque ("Demonic Enn", "Cursed Beyond Death", "Incursion Of Evil"). C'est qu'on ne retrouve pas que les stars du metal de la mort quand on écoute Iron Flesh, mais aussi les piliers du Big Four britannique de la lenteur et de l'oppression musicale ou leur progéniture à travers le monde (le pavé "Death And The Reaper's Scythe" et l'intro du morceau "Incursion Of Evil"), des références à Type O Negative ("Cursed Beyond Death", encore) et d'autres mentors de choix, renommés ou pas (chacun se construit son propre réseau d'influences et puise dans ce vivier –voire ce vivarium vu les affreux qui y trainent– pour élaborer sa propre musique) et issus de multiples chapelles. Summoning The Putrid fait partie de ces disques qui placent un groupe sur la carte à l'encre rouge indélébile, et dont on parle bien des années après pour marquer le passage au stade supérieur de ses géniteurs. En attendant que l'histoire valide ce constat, il existe déjà une foultitude de titres à s'inoculer en boucle pour actualiser nos connaissances (deux EP, deux albums et un live) ! Vive Iron Flesh, vive Bordeaux, vive la France ! 

Syl Alba

Un titre pachydermique qui montre toute la versatilité et la puissance de l'univers d'Iron Flesh

Vous pouvez suivre les frasques d'Iron Flesh ici ou chez Great Dane Records