Badinterview Auré (Frakasm)

Salut Auré ! Comment ça va ? Dis-moi, pour commencer, peux-tu nous détailler ton parcours musical ? Tu as toujours joué de la basse ? Depuis quand es-tu amateur de metal ?

Salut Sylvain, écoute pour un mec débordé ça va plutôt pas mal.

Je vais te répondre chronologiquement. 1989 l’année de ma grande communion va coïncider avec la découverte du Heavy Metal et la chambre du charmant petit garçon allait accueillir Eddie sur tous ses murs. Quelle mutation et quel bonheur ! Un pote avec le walkman sony calé sur les oreilles dans le bus et pendant les récréations m’intriguait : qu’est ce qui pouvait être aussi immersif et vital au point de sacrifier les échanges humains à 11 ans ? Quand il m’a passé le casque la première fois ce fut violent (Quand tu écoutes Jean-Michel Jarre et que tu découvres un chant Death, tu te dis « Merde !! ») puis il me passa une cassette du Somewhere In Time d’Iron Maiden et ce fut le déclic !

Pour l’instrument j’y suis arrivé tard, la mort de Chuck Schuldiner fut un électrochoc tel qu’une sorte de force impalpable m’a conduit à acheter une BC Rich et commencer la guitare. J’ai bricolé un peu, composé, sans jamais atteindre un niveau terrible. Puis j’ai acheté une batterie et j’ai monté Soul Of Death avec mon meilleur pote « Hub », on a fait pas mal de concerts dont certains très cool (Malevolent Creation, Benighted, Kronos). Le line-up a bougé, je suis passé au chant pour un seul concert et nous avons splitté pour diverses raisons vers 2011. Nico ( ex-Soul Of Death et actuel Frakasm) avait alors gardé le local de répète et avait remonté un projet qui ne décollait pas vraiment, ils faisaient des reprises avec Guitch (ex-Frakasm), Thomas (ex-Frakasm) et un bassiste (Goss). Au départ de ce dernier Nico m’a proposé de prendre la basse, instrument sur lequel je n’avais jamais posé les doigts. J’ai dit ok, laisse-moi acheter une basse, j’ai rapidement appelé Butcher et c’est parti ; de là est né Frakasm, nous étions en 2015.

Quel était votre but quand vous avez fondé Frakasm ?

Apprendre à jouer de la basse (rires). Au tout départ je pense que le but était simplement de se faire plaisir, retrouver des sensations, créer sans trop d’arrières-pensées, une sorte de sas de décompression. Puis plus les compositions arrivaient, plus nous nous disions que nous tenions un truc cohérent et suffisamment solide pour passer la vitesse supérieure. Quand tu as connu la scène, tu as envie d’y retourner et tu y penses tout le temps. Lorsque Great Dane Records nous ont contacté à la sortie du clip de « Cerebral Torture » pour nous signer, on s’est dit : « On y va à fond ». Nico avait tout de suite l’envie d’un truc solide, pour être honnête j’avais juste envie de boire des bières au local et souffler un peu car porter un groupe, c’est une mission (dans tous ses aspects) mais je suis finalement content de la tournure des choses, créer un album c’est quelque chose de grand quand tu y penses surtout pour la postérité et puis nous prenons beaucoup de plaisir, c’est l’essentiel.

Quelles sont vos attentes concernant l'évolution entre votre premier album, Century Of Decline, et le prochain ? Devons-nous nous attendre à un univers similaire ou souhaitez-vous vous aventurer vers d'autres horizons ?

Nous resterons dans une thématique purement Death Metal où s’entremêlent la violence, la mort, le déviant avec cette fois-ci quelques touches plus historiques ou documentées. Century Of Decline était très varié, les tempos, la rythmique ; tantôt plus immédiats, parfois plus progressifs, les morceaux offraient selon moi un spectre de choix assez large à l’auditeur si l’on compare par exemple la groovy « In The Womb » à la plus black/death « Inferi Gloria ». Pour le second album, musicalement parlant, nous allons proposer quelque chose d’un peu différent. Ça sera du Frakasm et reconnaissable en tant que tel mais avec plus d’homogénéité pour affirmer notre style. Au moment où je te parle nous avons cinq compositions finalisées, j’espère que les suivantes ne me feront pas mentir. Après c’est un ressenti global, Nico va naturellement vers ça mais les seuls juges seront finalement les gens comme toi, avides de dissection musicale (rires).

Malgré le départ tout récent de Thomas (batterie), on peut considérer que vous avez un line-up stable. Une grande cohésion semble régner au sein de Frakasm, on peut estimer que vous avez pas mal de valeurs en commun ?

Un groupe se doit d’être une aventure humaine qui tient grâce à la camaraderie, c’est une chose primordiale mais celle ci ne peut suffire que si ses membres sont animés de la même motivation à aller de l’avant. Même si certains y mettent plus d’énergie, ça reste un travail d’équipe.

Au delà du plaisir procuré par les concerts et la satisfaction de créer, c’est aussi beaucoup d’énergie, de travail que l’on fait volontiers quand on a le désir d’accomplir et la conscience que les autres comptent sur nous ; c’est comme un véhicule, avec un pneu crevé, c’est pénible de le faire avancer.

Nous avons tous des vies bien remplies et sans pour autant prioriser Frakasm, il faut le vivre au quotidien sans quoi on reste dans son local à boire des bières et jouer pour les potes.

Nico, Butcher et moi partageons énormément de valeurs communes et nous sommes souvent fourrés ensemble. Jéjé est sur notre ligne, c’est un bosseur et un gros consommateur de Death.

Nous avons passé de très bons moments avec Guitch et Thomas, je ne parlerai pas pour eux, ils feront toujours partie de l’histoire du groupe et nous les remercions pour ce qu’ils ont fait. Pour finir, je dirais que les valeurs communes sont un plus, c’est indéniable mais pas une nécessité absolue, les hommes intelligents et respectueux peuvent se concentrer sur ce qui les rassemble pour avancer ; dans chaque chose il est possible de trouver des points d’accords.

Tu es le porte-parole du groupe, tu es à l'aise dans l'exercice et les autres apprécient peut-être le fait de rester en retrait sur ce point. En même temps, ton activité très régulière niveau com' permet de développer le groupe et de lui faire franchir des paliers plus rapidement et plus facilement, non ? Tu aimes allier loquacité et efficacité, n'as-tu jamais pensé à exercer cette activité pour d'autres ? 

Les autres s’en sortent très bien sans moi (rires). J’ai beaucoup fait pour lancer Frakasm au départ, dans la com’, sur les réseaux sociaux avec un souci de travailler notre image (les photos, les clips, le merch, les flyers) mais nous devons beaucoup aux potes, collègues, famille sans qui finalement rien ne serait vraiment pareil. Tu as raison sur le fait que communiquer et surtout placer l’humain au centre de tout ça aide énormément à faire monter le groupe dans l’esprit des gens. Qui est vu est connu et qui est vu éveille la curiosité. Maintenant nous avons Aurélie qui tient le gouvernail avec moi et qui m’aide beaucoup pour la gestion du courriel et les contacts avec les organisateurs de concert ; elle est aussi la touche féminine qui propose et écoute les rustres que nous sommes (rires).

Je pense que les autres me font confiance et c’est mon rôle, je l’accepte et je suis assez à l’aise avec tout ça. Nico est très pris par la composition et les arrangements tandis que Butcher gère les textes et aide beaucoup aux prises de décision. Jéjé n’a pas Facebook. C’est donc ma pierre à l’édifice. Mais au risque de me répéter, on a cette grande chance d’avoir autant de personnes qui nous soutiennent en tant qu’hommes puis par prolongement en tant que musiciens, merci à eux !

Vous êtes également suppléés par Great Dane. En quoi l'apport d'un label a-t-il pu vous donner un coup de pouce ?

Le label a produit une partie de l’album et a assuré la distribution dans plusieurs endroits du monde, sans eux nous n’aurions assurément pas été en mesure de le faire et nous les remercions pour ça.

Indéniablement ce fut un coup de pouce pour le groupe et l’apport d’une crédibilité aux yeux du public. Pour les concerts par contre nous gérons tout nous même et nous menons le groupe comme il nous entend de le faire, à l’aube du second album nous verrons ce que nous ferons pour la suite.

Peux-tu donner un conseil à un jeune musicien qui souhaiterait progresser ? Quel est le conseil reçu qui t'as le plus aidé pour devenir le musicien que tu es aujourd'hui ? On rappelle que le death de Frakasm est accessible, brutal, mélodique mais aussi technique. On imagine les litres de sueur versés et les nombreuses remises en question pour être capable de jouer de telles compos au fil des années...

Je suis un mauvais élève et en pleine connaissance de mes défauts je peux te parler des erreurs à ne pas faire. Un jeune musicien doit selon moi se focaliser sur un seul instrument pour exceller et pour ça : travailler quotidiennement. La configuration groupe est indispensable dans le sens où il fixe un but, des enjeux et un « stress » salvateur. Dans mon cas, je n’ai reçu aucun conseil, j’ai appris seul en voulant toucher à tout, c’est toujours le fait d’être dans un groupe qui m’a poussé à réussir (ou à semer l’illusion, comme vous voulez ;)) . En somme, sans Frakasm, je n’aurais jamais été bassiste je pense. Donc mon conseil : choisir un instrument qui t’attire, le bosser suffisamment pour former un groupe et c’est avec les autres que tu deviendras meilleur car tu ne le feras pas seulement pour toi, mais pour les autres. Après je connais pas mal de mecs qui ont des niveaux de fou sans avoir de groupe mais j’en connais bien plus qui abandonnent leur instrument car justement ils sont seuls et sans but , on a tous un pote avec une guitare alors même qu’il est incapable de jouer quoi que ce soit.

Ces compos intenses et techniques, il faut pouvoir les jouer sur scène. Les concerts sont-ils des moments d'intense concentration pendant lesquels vous vous efforcez de ne pas faire la moindre erreur, ou votre répertoire est-il tellement "ancré" en vous que vous pouvez vous permettre de faire le show de manière relativement décontractée ? Là aussi, on rappelle que tu es un vrai marsupilami sur les planches, tu parais très à l'aise et prendre le live pour un moment de partage et de fun... Mais cela implique une certaine dose de travail au préalable, vraisemblablement...

On réagit tous différemment en fonction de l’exigence. La mienne c’est de communier avec le public et donner tout ce que j’ai en termes d’énergie, quand ça bouge sur scène, le public se livre plus facilement. Quand le groupe est statique, ça n’appelle pas forcément à se lâcher. Je connais les morceaux mais je préfère faire quelques erreurs et bouger comme un damné et puis c’est plus fort que moi, quand je suis sur scène je suis possédé (rires). Après les guitaristes de Frakasm sont exposés à beaucoup plus de technicité que moi et ils ont tous les deux à coeur de livrer la prestation musicale la plus juste possible, ils ne se mettent pas de pression, ils donnent beaucoup mais les parties complexes ne leur permettent pas toujours de bouger comme ils le voudraient.

Je suis un gros fan de Suicidal Tendencies, Iron Maiden et il suffit de regarder leurs concerts, ça court dans tous les sens, j’adore !

Quels groupes découverts récemment sont susceptibles de constituer de nouvelles influences au sein de Frakasm ? Tu adores découvrir encore et toujours, tes complices ne sont pas en reste j'imagine...

Avec Nico nous avons vraiment les mêmes goûts, on écoute la même chose et on partage nos découvertes. Maintenant, Nous sommes de gros consommateurs de musique tous les quatre.

Pas mal de nouveaux groupes sortent des pépites et quel plaisir de se prendre encore des tartes pareilles ! Mais lesquels pourraient nous influencer ?

Là tout de suite je dirais CIST, «  The Frozen Casket » pour cette immédiateté, du pur Death Metal bien branlé, organique qui va à l’essentiel tout en gardant une vraie qualité de composition. Je veux dire par là qu’il ne faut jamais tomber dans la surenchère pour démontrer de la technique, Obituary, Bolt Thrower ne sont-ils pas des monstres d'efficacité ? Il faut bien garder ça à l’esprit et même nous on a tendance à l’oublier ! CIST est donc une belle piqûre de rappel . Pourquoi je dis ça ? Car après "Reaper’s Return" qui est assez exigeant on voulait aller dans le plus long, plus technique, ce qu’on a fait avec "Lunar Blood Obsession" que tu découvriras sur l’album avant de revenir à du plus brut !

Mais pour être honnête, l’album sorti récemment qui pourrait le plus nous influencer serait le dernier album de Monstrosity totalement énorme, bourré de subtilités où souvent on s’est dit «  Putain, génial ce plan, ce break, cette liaison » . Il est parfait.

Merci beaucoup à toi, à très vite pour la suite de vos péripéties ou autour d'une bière dans la région ! Comme souvent sur Albacore, je te laisse carte blanche pour le mot de la fin, si tu veux évoquer un sujet particulier, si j'ai oublié quelque chose, etc, fais-toi plaisir !

C’est moi et le groupe qui te remercions de nous offrir une si belle tribune et je te félicite pour la qualité de ton travail qui mériterait vraiment une plus large exposition.

Je vais pour finir, si tu le permets, aborder 2019. Nous recherchons notre prochain batteur, nous avons eu quelques contacts qui bossent actuellement sur des titres mais la porte est encore ouverte au moment où je te parle.

Nous espérons pouvoir sortir l’album cette année, avec un digipack encore plus beau, un clip et du nouveau merch.

Nous avons déjà le nom de l’album, l’artiste pour l’artwork, 60 % du disque est composé. J’espère que la recherche d’un nouveau batteur ne va pas trop nous ralentir. Merci à tous ceux qui ont pris le temps de nous lire. Et n’oubliez pas, la mort n’est qu’un éternel recommencement, comme le Death Metal !

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